La Galerie A2Z expose les nouveaux photomontages de Zhang Wei
« Le monde entier est un théâtre » et Zhang Wei l’a fort bien compris. Observateur ironique de ses contemporains, cet artiste chinois spécialisé dans le photomontage a donc décidé de refaire l’Histoire à travers son objectif. Combinant de réels portraits à des effets numériques, il a ainsi créé des centaines de clichés qui reflètent avec étrangeté une « réalité fictive ».
Avec sa nouvelle série « Le Théâtre des illusions », Zhang Wei risque de vous décontenancer : à l’heure d’Internet et de l’intelligence artificielle, il vous invite à remettre en question la véracité des informations qui nous sont transmises par le biais de la presse et des médias digitaux. Son analyse, subtile et singulière, nous rappelle qu’un des rôles principaux de l’artiste est d’interroger le monde, voire de le repenser…
Rencontre avec Sophie Huang de la Galerie A2Z
Le photographe Zhang Wei
Florence Yérémian : Qui est Zhang Wei ?
Sophie Huang : Zhang Wei est un artiste photographe très original. Il a aujourd’hui une quarantaine d’années, il vit entre New York et Pékin, et son travail créatif est si connu en Chine qu’il participe à tous les festivals du 8e Art.
Quelle est sa particularité ?
C’est un expert du montage photographique. Depuis ses premiers clichés, il s’est focalisé sur la décomposition et la reconstruction de visages. Parmi ses travaux les plus célèbres, on peut évoquer ses series hybrides autour de politiciens et d’acteurs ainsi qu’une très belle déclinaison de portraits-montages réalisés d’après les toiles des grands Maîtres de l’art classique occidental.
Comment procède-t-il ?
Il part toujours de son propre répertoire photographique dans lequel il puise des parcelles de corps et de visages. Pour créer un portrait, il va par exemple prendre l’œil d’un individu, y associer le nez d’un autre et combiner cela avec un bout de joue ou d’oreille provenant d’autres tirages. Une fois ces détails combinés, Zhang Wei les retravaille avec des logiciels numériques pour faire naître un portrait digital qui se confond avec la réalité.
Comment possède t-il autant de portraits dans son répertoire ?
A ses débuts, Zhang Wei a pris des centaines d’inconnus en photos afin de se constituer une base de recherche. Pour ce faire, il a eu une très bonne idée : il a lancé un « casting sauvage » invitant n’importe qui à venir poser dans son studio moyennant 30 yuans (4€) le quart d’heure. Ce tarif étant supérieur à une journée complète de figuration au cinéma, il a vu défiler une foule de participants dont des acteurs !
La galerie A2Z lui a déjà consacré une précédente exposition ?
Absolument, en 2015, nous avons fait découvrir au public parisien les portraits de célébrités de Zhang Wei. L’exposition se nommait “La photographie, autrement…“.
Parlez-nous de son nouvel accrochage, « Le Théâtre des illusions »
C’est la première fois que Zhang Wei instaure un contexte dans ses créations. Habituellement, il s’intéresse au portrait pur et met en avant un visage sur fond uniforme. Dans cette nouvelle série, il a choisi de raconter une histoire autour de ses personnages via une narration fictive. Pour ce faire, Zhang Wei s’est inspiré de photos de presse et d’archives qu’il a réinterprétées en conservant de façon alternative le lieu, les protagonistes ou la thématique. Lorsque le spectateur se retrouve face aux photomontages de l’artiste, il a l’impression de confronter une réalité historique puis, le doute s’instaure et il s’interroge sur la véracité du cliché. C’est très troublant.
Qui pouvons-nous voir au fil des murs ?
C’est très variable, cela va de Marilyn Monroe à Adolf Hitler en passant par d’illustres inconnus. Il y a par exemple une photo vintage d’Arthur Sidey que Zhang Wei a transformée en une épreuve nommée « Little King ». On y voit un jeune prince entouré de ministres fictifs en train de faire une conférence en l’honneur du feu Roi… Le cliché est travaillé de façon si précise et si réaliste que le visiteur ne se rend pas compte que c’est un montage de faux événements historiques et qu’il cherche dans sa mémoire visuelle à savoir qui est représenté.
Comment est considéré Zhang Wei en Chine ?
D’un point de vue institutionnel, son travail est apprécié par les autorités artistiques qui lui ont octroyé beaucoup de prix.
Il y a pourtant une certaine démarche politique derrière ses œuvres
Certainement, mais Zhang Wei est un artiste plein de subtilité. Il a ses propres jugements sur le pouvoir et la société mais il ne les impose pas. Il use d’humour et d’ironie pour traduire ses pensées.
Il porte aussi un regard assez critique sur la robotisation de notre monde
En effet, beaucoup de ses photomontages mettent en scène des androïdes coexistant avec des humains. Dans l’esprit de la série Westworld, ils symbolisent cette quête d’une intelligence artificielle apte à penser par elle même, voire à éprouver des sentiments. L’un des clichés de Zhang Wei nous laisse ainsi assister à la “rééducation” d’un automate : cela peut être perçu comme une critique de la robotisation autant qu’une dénonciation d’une autorité voulant implanter une nouvelle pensée dans le cerveau de ses populations. A chacun son interprétation…